/ Ils font le territoire

À Villecerf, l'association Grinn qui a remporté le Trophée de la biosphère et prépare des ateliers pour Moret Seine & Loing, vous ouvre les portes de son petit coin de paradis : un jardin pédagogique, peuplé d'ânes, de moutons, de poules et d'abeilles pour apprendre de la nature.

Fin décembre. Notre visite du jardin de l'association Grinn, installé dans les anciens potagers du roi du château de Saint-Ange, commence sous un ciel bas et nuageux qui contraste avec le sourire et la chaleur de nos hôtes. Fanny, Karin et Vanessa, membres de l'association, nous accueillent, suivies de près par Betty et Caro, les ânesses, Bichette la brebis et Sergio le bélier – seul mâle de l'histoire.

Hors saison

Dépouillé de ses feuillages et de ses couleurs exubérantes, en ce début d'hiver le jardin est comme ensommeillé. Mandalas, jardin à la française, verger, tous sont au repos. Des odeurs d'herbe à curry et d'humus y flottent pourtant. Sur le sol boueux, les fraisiers dans leur carré – sans conteste la plate bande préférée des enfants – reprennent des forces avant le retour du printemps. Nous sommes hors saison. Pourtant, sous nos pieds à l'abri des regards, c'est toujours l'effervescence. C'est le moment où les arbres étendent leurs racines, où certaines graines commencent à germer, où vers et insectes travaillent la terre sans relâche. « Tout ce qui se passe là-dessous est important. Si l’on ne connaît pas le sol, si l'on ne comprend pas ce qui s'y passe, on ne peut pas créer au-dessus», nous confie Fanny Paliard. Comédienne dans une vie antérieure – elle a beaucoup tourné pour la télé –, Fanny est la fondatrice de ce jardin pédagogique qu'elle a imaginé pour faire découvrir et partager sa passion pour la permaculture.

Une discipline ou plutôt une philosophie, à laquelle elle s'est formée il y a 10 ans en Belgique, et qui infuse la ribambelle d'ateliers et d'activités que propose Grinn aux enfants, adultes, et désormais aux séniors, avec l'Espace des  habitants MSL. Parmi eux, Ramène ta fraise, La fabrique à trucs, ou encore  Les pieds dans le plat, autour des plantes sauvages comestibles, animés par un autre pilier du groupe, Véronique. Le décor est planté !

Un jardin en harmonie avec la nature

« La permaculture, c'est avant tout une question de bon sens, d'observation. Les méthodes et pratiques dont on s'inspire remontent à très très loin, jusqu'à la civilisation maya. On n’a rien inventé du tout ! » raconte Fanny qui regrette parfois que la notion soit un peu galvaudée et pour qui il est important de déconstruire les clichés. « On a pu penser que la permaculture avait quelque chose de radical alors qu’au contraire, c’est une approche universelle. »

Point de carcan dogmatique ici, et tout le monde est le bienvenu, les néophytes comme les jardiniers aguerris. L'association accueille des écoliers, comme des adultes qui viennent pour quelques heures ou une journée par semaine de mars à juillet. Du semis, jusqu'à la cueillette et à la dégustation, ils acquièrent là des bases solides pour ensuite cultiver leur propre jardin, potager ou ornemental, en évitant tout gaspillage, toute perte d'énergie, en harmonie totale avec la nature. « À Grinn, on explique dès le départ aux plus petits et aux grands que mettre telle plante à côté de telle autre, va déjà beaucoup l’aider. Que si l'on encourage ce compagnonnage, cela va nous permettre, à nous, de faire autre chose. On va se servir des plantes pour soigner les autres, de même pour les animaux, affirme Fanny. «C'est aussi une affaire de cycles et d'autorégulation complète Vanessa : ne pas jeter ce que l’on produit, redistribuer à d’autres, aux animaux, se responsabiliser. Par exemple, réussir à se dire : c’est suffisant, je n’ai pas besoin de cueillir plus. »

Mains bleues  & mains vertes

Des principes qu'elle mettra en pratique lors des toutes nouvelles activités qu'elle prépare autour des plantes tinctoriales : gaude, cosmos sulfureux ou encore persicaire à indigo qu'elle va utiliser pour créer de la peinture ou teindre des tissus de façon 100% naturelle. Plus tôt dans la journée, elle a embarqué ses comparses dans un test grandeur nature. « Vanessa nous a fait une petite démonstration. C’était très sympa. On fait des t-shirts, mais elle ne nous avait pas prévenus que l’on allait avoir les mains bleues ! » s'amuse Fanny.

Mains bleues ou mains vertes, le trio est unanime quant à l'impact positif que peut avoir le jardin sur  tous ceux qui le fréquentent. « Mettre les mains dans la terre, c’est thérapeutique » constate Vanessa. Une affirmation qui prend tout son sens lorsque Karin raconte son histoire. « Avant, j’étais militaire. J’avais une vie très stressante et j’ai fait un AVC. Pour me reconstruire, je me suis mis au vert et à la permaculture. C'est comme cela que nous sommes rencontrées avec Fanny. Jardiner, ça m’a permis de réapprendre à utiliser mes mains. Mes ânes m'ont eux donné la motivation nécessaire pour remarcher. Ce lieu magnifique m'a permis de reprendre contact avec la vie » confie-t-elle. Depuis, Karin n'a de cesse de faire partager sa connaissance de ces animaux à la sensibilité extraordinaire, notamment lors de balades bucoliques où ce sont les enfants, parfois pas plus hauts que trois pommes, qui mènent avec délice les opérations.

Des liens  qui libèrent

Dans la permaculture la dimension humaine est aussi fondamentale. Et Grinn, c'est avant tout une alchimie de rencontres. Les trois femmes aux profils très différents, qui de leur propre aveu ne se seraient probablement jamais liées sans ce lieu devenu essentiel à leurs vies, sont intarissables sur la question. Souvenirs émus de pensionnaires de l'EHPAD voisin dans les yeux desquels renait une étincelle, d'enfants qui font ici la conquête de leur autonomie, de femmes malmenées par la vie qui après une halte au jardin repartent plus légères, sans oublier les débuts et l'incroyable confiance, la générosité des propriétaires du lieu, la famille de Roys, qui n'a pas hésité à les accueillir il y a 6 ans... Les anecdotes se bousculent. « En fin de compte, le plus important ce n’est pas tant le sujet, que le lien qui se créé tout autour » conclue Fanny.

Le jour baisse. Il nous faut repartir, quitter les murs protecteurs de ce "cocon" pour emprunter les mots de Karin, d'où chacun repart avec ce qu'il était venu chercher et bien souvent, un peu plus encore. Des ailes peut-être... Et vous, que viendrez-vous y chercher ? n

Renseignements et inscription :

www.grinn.fr 

fannypaliard@gmail.com

Tél : 06 62 49 66 34